Se lancer dans un projet “food” : faire soi-même ou trouver un sous-traitant ?

Lorsqu’on entreprend dans la “Food” au sens large, une des premières questions à se poser est de savoir si l’on a envie de faire soi-même sa production (internalisation) ou de s’appuyer sur un prestataire/sous-traitant (externalisation). Explications et tour d’horizons des avantages et inconvénients associés à chaque modèle.

Lorsque nous avons débuté Les Petits Toupins, avec beaucoup de naïveté et sans connaissance préalable en agro-alimentaire, nous avons fait le choix de tout internaliser. C’est-à-dire de nous trouver un local, de l’équiper et de fabriquer nous-mêmes nos pots pour bébé. Ce fut un long et difficile apprentissage. Et ce n’est pas fini, l’histoire ne fait que commencer.

A vrai dire, nous ne savions pas qu’il était possible d’externaliser une production ou de s’appuyer sur un sous-traitant. Nous nous sommes jamais posé la question de l’externalisation avant d’avoir mis le pied dans notre local. Nous pensions, à tort, que tous les acteurs de la Baby Food faisaient eux-mêmes.

Et puis nous avons commencé à être démarchés par des sous-traitants (français et étrangers) proposant des produits en marque blanche (par exemple, des fabricants de purées de fruits ou de légumes qui peuvent être employées dans un pot pour bébé).

Et en creusant la question, nous nous sommes rendus compte que très peu d’acteurs produisaient eux-mêmes leurs produits de A à Z. Parfois, il ne s’agit que d’assemblage avec des cascades de sous-traitants produisant les différentes briques constitutives d’un produit. Que de nombreuses marques passaient par les mêmes sous-traitants (par exemple, la quasi-totalité des biscuits bébé, toutes marques confondues, sont produits par Bouvard Biscuit). Et qu’il y avait quand même une certaine opacité dans la structuration des activités, voire une ambiguïté à savoir qui faisait quoi.

Nous avons également rencontré des entrepreneurs qui se lançaient dans la Food (sur des produits très différents) et avaient fait le choix de sous-traiter leur production. Pour différentes raisons (compétences techniques, peur de faire soi-même, rapidité à lancer un produit, volumes de production nécessaires pour entrer en GMS) et sur différentes échelles de durée (internalisation le temps de trouver un prestataire ou au contraire externalisation pour mieux calibrer les besoins en vue d’une internalisation de la production).

Il n’y a pas de bonnes ou mauvaises façons de faire. Chaque projet et chaque entrepreneur est unique. Mais sur la base de notre expérience, nous pouvons en tirer les avantages et inconvénients suivants :

Avantages et inconvénients de l’internalisation

Internaliser une production est difficile. Le lancement d’un produit prend beaucoup plus de temps (temps qui ne peut pas être consacré à du marketing ou du développement commercial par exemple).

Outre les aspects de R&D (sur lesquels nous reviendrons), il faut assez vite se poser la question du lieu de production.

Et c’est là que le bât blesse. Dans le cas des Petits Toupins, nous avons rencontré beaucoup de difficultés à trouver un premier local correspondant à nos besoins (plus de 6 mois). Nous voulions un local privatif et fermé (baby food oblige), pas très loin de notre lieu d’habitation (point très important à ne pas négliger, le temps de transport pouvant vite devenir un calvaire). Dans le département des Hauts-de-Seine, il n’y avait pas grand chose. Nous avons finalement trouvé notre bonheur chez Kitch’n Box, un coworking de cuisines individuelles à Nanterre qui cochaient un maximum de cases. C’est une solution coûteuse pour ne rien cacher, qui n’est pas ouverte à tout le monde, surtout en lancement de projet.

Ce n’est toutefois pas la seule option disponible. Nous connaissons des entrepreneurs qui ont débuté dans des cuisines partagées. D’autres qui sous-louent ou ont des arrangements avec des restaurants (utilisation de la cuisine en dehors des heures de service). D’autres qui aménagent leurs lieux d’habitation avec un local de transformation (en sous-sol ou bien avec un local provisoire sur leur terrain). D’autres qui passent par une mise à disposition de la cuisine centrale de leur municipalité.

Une fois le lieu de production trouvé, se pose la question de l’équipement (surtout si le local n’est pas équipé) et de comment faire soi-même. Notre cuisine était vide, il a fallu l’aménager. Sans expérience préalable et sans aide. Il faut donc prévoir un budget qui peut être plus ou moins conséquent à l’acquisition du matériel de production (dans notre cas proche des 10 000 euros).

Ensuite, on rentre dans les aspects de production. Lorsque l’on produit soi-même, il faut savoir tout faire. Dans notre cas, nous avons dû nous mettre à niveau sur les normes HACCP (hygiène et sécurité sanitaire). Apprendre à transformer, en particulier les étapes de décontamination fruits/légumes, transformation et de pasteurisation. Apprendre à utiliser l’équipement de la cuisine. Pour ne rien vous cacher, tout ce que nous avions fait dans notre cuisine personnelle et à domicile n’était pas transposable ou utilisation en cuisine professionnelle (ex: grammage des recettes, temps de cuisson, durée de vie des produits).

Mais alors pourquoi se casser autant la tête ? Et pourquoi investir autant avant le développement commercial ?

Parce que produire soi-même comporte quand même des avantages.

D’abord, c’est quelque chose de très satisfaisant et qui rend fier.

Bien sûr, c’est difficile physiquement. On découvre ce que c’est qu’une journée de 10h en cuisine. Il y a toujours un problème ou un “pète” dans la production qui n’était pas envisagé auparavant. Mais quelle réjouissance de tenir entre nos mains nos pots à la fin d’une journée de travail.

C’est un argument de vente auprès des clients, de plus en plus soucieux de valoriser les artisans qui produisent réellement. On nous demande régulièrement si nous “faisons nous-mêmes” ? Quels ingrédients employons-nous ? Et comment on “fabrique” un petit pot ? Nous sommes toujours en mesure de répondre car nous avons une connaissance intime de nos produits. Nous savons par exemple que notre purée de pommes aura un goût différent en fonction de la variété utilisée. Qu’un légume comme le radis noir aura un goût légèrement amer là où le navet, malgré une forte odeur, sera très léger en bouche.

C’est un argument pour collaborer avec des producteurs de fruits et légumes, soucieux de valoriser leur production. Ils sont rassurés de savoir que nous faisons nous-mêmes.

C’est un argument pour recruter et bien s’entourer. Nos stagiaires adorent les journées en cuisine, ça change du stage derrière un ordinateur.

Ensuite, produire soi-même offre de la flexibilité. Combien de fois, pour un événement impromptu, avons-nous décidé de lancer une production sur un week-end ? Combien de fois avons-nous décidé de “tester” une nouvelle recette ?

Enfin, produire soi-même est un gage de liberté. Nous ne sommes pas soumis aux contraintes ou au bon vouloir d’un sous-traitant. Aux aléas de prix. Aux pénuries ou aux faillites.

Avantages et inconvénients de l’externalisation

Vous l’aurez compris, nous sommes des fervents défenseurs du “faire soi-même”. Mais il est possible d’externaliser tout ou en partie sa production.

Le principal avantage que nous voyons, c’est de pouvoir lancer assez rapidement un premier produit sur le marché. Tout le temps qui ne sera pas consacré à la recherche d’un local et son aménagement peut être utilisé pour se faire connaître et le développement commercial. Il est également relativement plus facile de créer un produit en s’appuyant sur l’expertise et l’expérience du sous-traitant plutôt que d’apprendre à faire soi-même.

Le second avantage est que l’externalisation ne nécessite pas des investissements trop importants et permet de se lancer à moindre coût. Pas besoin d’avoir son local. Pas besoin de s’équiper outre mesure. On s’appuie sur ce qui existe chez le sous-traitant. C’est une solution moins risquée financièrement. Et il est plus facile d’en sortir si, pour une raison ou une autre, le projet n’aboutit pas.

Le troisième avantage est que l’externalisation permet au quotidien de ne pas se casser la tête sur des sujets de production : approvisionnement en matières premières, problèmes techniques en cuisine ou sur la ligne de production, manque ou absence de personnel. Vous avez des personnes qui savent gérer tout cela et qui le font pour vous.

Enfin, l’externalisation permet de se décharger de certaines responsabilités en cas de problème avec un produit (pour peu qu’il s’agisse d’un problème lié au sous-traitant). C’est au sous-traitant de veiller à la qualité de sa production. Aux respects des normes applicables (ex: HACCP). En cas de problème avec un produit, il est assez facile de se “retourner” contre le sous-traitant. Pensez à l’affaire des pizzas Buitoni du groupe Nestlé…

Mais l’externalisation n’est pas pour autant un long fleuve tranquille.

Il y a d’abord la question de trouver le bon sous-traitant. Celui qui acceptera de faire pour vous (comme vous le souhaitez et dans le respect de votre cahier des charges) et en qui vous aurez une confiance totale. Celui avec qui vous vous sentirez à l’aise pour travailler. Celui qui acceptera de lancer des petits volumes de production en lancement et qui sera capable de suivre la croissance de votre activité. Celui qui ne vous plantera pas. Cette perle rare n’est peut-être pas près de chez vous et peut être localisée à l’autre bout de la France. Si elle est loin (surtout dans le cas de produits frais), la logistique de production et distribution peut s’avérer plus complexe qu’elle n’y paraît au premier abord.

Il y a ensuite le prix. Parce que sous-traiter n’est pas gratuit. Il peut même s’avérer que votre marge est grignotée plus ou moins sévèrement par votre coût de fabrication. Et par la logistique d’acheminement de vos produits vers les points de distribution. En gardant en tête que nous vivons dans un monde où le prix de l’énergie se renchérit (dans 10 ans, pourrons-nous encore nous permettre de produire et consommer dans un rayon supérieur de 200km à moindre coût ?)

La sous-traitance n’est pas toujours gage de flexibilité, vous serez dépendant de l’entreprise, de son bon vouloir et de ses capacités de production. Vous souhaitez changer une recette ? Lancer un nouveau produit à petite échelle ? Ou au contraire passer au régime supérieur ? Pas sûr que votre sous-traitant puisse vous suivre. A l’inverse, vous pouvez vous retrouver en otage si celui-ci décide d’augmenter ses prix (assez fréquent), par exemple pour répercuter les hausses de prix que lui-même subit. Que faire ? Rester avec lui et subir la hausse de prix ? Changer de sous-traitant ? Repartir à 0 ?

Enfin, il y a la question du regard du consommateur. Nous sommes toujours surpris de voir que les entreprises “food” (mais pas que) ont beaucoup de mal à assumer qu’elles ne font pas elles-mêmes. La question de la sous-traitance n’est jamais abordée sur les pages FAQ. C’est une question qui est soigneusement évitée. Ou alors qui fait l’objet de réponses ambigües. Et ne rêvez pas, très peu d’entre eux vous donneront le nom de leur sous-traitant mais en “off”. En revanche, de nombreux entrepreneurs qui ne produisent pas eux-mêmes aiment se mettre en scène en photo sur les lignes de production à coup de “petit tour de notre laboratoire”, “regardez nos produits sortir de notre site”, “première production dans notre usine” ect.. Avec une certaine ambiguïté entretenue autour de l’utilisation de l’adjectif possessif “notre”. Paradoxalement, les acteurs qui produisent réellement eux-mêmes se mettent beaucoup moins en scène sur leur site de production. Parce que quand on produit, on est généralement concentré sur sa production et que l’on n’a pas le temps ou ne serait-ce que l’idée de sortir un téléphone pour faire un selfie.

Conclusion : transparence et honnêteté quelque soit le modèle préféré

Encore une fois, chaque projet Food est unique. Et chaque projet Food est porté par un entrepreneur ou une équipe différente. Le choix d’internaliser ou d’externaliser est très personnel et peut changer au fil du temps pour de bonnes ou mauvaises raisons. Nous n’émettons aucune critique sur un choix ou l’autre. Nous déplorons en revanche le manque de transparence et d’honnêteté des acteurs qui externalisent. Et l’ambiguïté qu’ils entretiennent, préjudiciables pour tous les acteurs qui font le choix difficile de l’internalisation. Quel que soit votre choix, assumez-le auprès de vos clients et prospects.

 

Danielle Valdenaire

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